Les prisons
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Permettre aux hommes d’être incarcérés dans des prisons ou des unités pénitentiaires pour femmes présente de graves risques pour la sécurité et la dignité des femmes incarcérées et est injustifiable sur le plan éthique
En janvier 2024, 6881 personnes étaient détenues dans les prisons suisses, dont 365 (5,7%) femmes. Il existe trois établissements exclusivement féminins (Dielsdort, Hindelbank, La Tuilière) et 23 établissements mixtes avec des unités spéciales destinées aux femmes.
Dans son analyse datant de 2024 du mécanisme national de prévention, la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) a recommandé que les femmes soient placées dans des « établissements appropriés pour elles » (CNPT, 2024, p.3), et que les femmes « ne devraient être détenues dans de petites structures mixtes que lorsque celles-ci respectent les besoins spécifiques des femmes » (CNPT, 2024, p.3). Le CNPT a ajouté que, depuis janvier 2007, l’article 46, al.1 du Code pénal suisse, qui prévoyait la séparation des hommes et des femmes dans les établissements pénitentiaires, n’est plus formellement en vigueur, mais que « la séparation des femmes et des hommes dans les établissements pénitentiaires fermés est toujours appliquée sans exception » (CNPT, 2024, p.4). Étonnamment, le CNPT n’a fait aucune mention de la présence d’un homme dans une prison pour femmes en Suisse, un incident survenu en 2022. Cet incident a été rapporté dans les actualités de la télévision suisse (SRF, 22 novembre 2022 ; RTS, 3 décembre 2022).
En effet, en 2022, un homme a été placé dans une prison pour femmes à Dielsdorf/ZH, suite à la décision de la directricede l’établissement, Mme Simone Keller da Cunha Sarandao. Elle a dit : « Es geht um die Identität » (« c’est à cause de son identité »). L’homme s’identifiait comme étant une femme. Après son arrestation en septembre 2022, l’homme a d’abord été incarcéré à la prison pour hommes de Stans/NW. Mais le directeur de la prison de Stans, M. Stephan Rohr, a déclaré que lui et son personnel n’étaient pas correctement équipés pour accueillir un tel homme. Lui et son personnel avaient été informés par le bureau du procureur compétent que le prisonnier souhaitait être adressé comme une femme. Apparemment, dans la prison pour hommes, le prisonnier s’était isolé, et le directeur M. Stephan Rohr craignait que lui et son personnel n’aient pas assez de ressources pour créer une communauté appropriée pour lui.
Le prisonnier, qui avait des organes génitaux masculins intacts, a ensuite été transféré dans une prison pour femmes. Les médias n’ont jamais révélé le type de crime qu’il avait commis ; il aurait donc même pu s’agir d’une agression sexuelle ou d’un viol ! L’article de la SRF a écrit : « Insbesondere trans Personen sind (…) im Freiheitsentzug vulnerable.“ („Les personnes trans en particulier sont vulnérables lorsqu’elles sont incarcérées. ») L’article de la RTS a, lui, dit exactement la même chose : « Dans le monde carcéral, les personnes transgenres sont particulièrement à risque (…) », afin de justifier le transfert d’un homme dans une prison pour femmes. L’article de la RTS évoque également le document récent qui donne des recommandations sur la prise en charge des personnes « trans » en détention : « Depuis l’an dernier, il existe un document cadre en Suisse. » (RTS, 3 décembre 2022)
Il n’est pas surprenant qu’une fois arrivé à la prison pour femmes, le détenu ait été agressé verbalement par les femmes incarcérées. Et suite à cet incident, le prisonnier a souhaité être replacé dans une prison pour hommes. La réaction des détenues n’a pas été rapportée par tous les médias ; Les journalistes de la RTS ont préféré ne pas évoquer l’incident et ont insisté sur le fait qu’il n’y avait eu aucun problème (à mettre un homme dans une prison pour femmes. Ils ont écrit : « [Il]a parfaitement été capable de s’intégrer. » (RTS, 3 décembre 2022)
Comment un homme peut-il avoir été placé dans une prison pour femmes, alors que les prisons sont séparées par le sexe ? En bien, le Centre suisse de compétence en matière d’exécution des sanctions pénales (CSCSP), basé à Fribourg, a publié en juin 2021 un document intitulé : « La prise en charge des personnes LGBTIQ+ en détention ». Ce document suggère que l’autodétermination de l’identité de genre du détenu « transgenre » prime et que le détenu devrait donc pouvoir choisir s’il souhaite être placé dans une prison pour hommes ou une prison pour femmes.
L’avis de Femina Helvetica sur ce document est le suivant :
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Le document prétend offrir un aperçu des problèmes rencontrés par les personnes LGBTIQ+ (lesbiennes, gays, personnes bisexuelles, « transgenres », intersexes et queer) en détention, mais en réalité, il n’aborde que les problématiques rencontrées par les hommes qui se disent femmes et les hommes gays.
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A aucun moment, le document n’abord les préoccupations des femmes détenues. Les femmes sont complètement ignorées dans l’étude, à l’exception d’une brève mention des lesbiennes (mais seulement à dessein d’illustrer le L de LGBTIQ+). A aucun moment, le document ne comprend vraiment la réalité à laquelle les femmes et les lesbiennes sont confrontées.
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L’étude s’appuie sur des témoignages du personnel travaillant principalement dans des prisons pour hommes. Par conséquent, leurs observations sont basées sur des hommes dans des prisons pour hommes.
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En ce qui concerne la violence dans les centres de détention, le document ne mentionne que la violence des hommes à l’égard d’autres hommes (hommes homosexuels et hommes qui s’identifient comme femmes), mais jamais la violence des hommes à l’égard des femmes détenues, ce qui serait le cas si un homme (qui prétendait être une femme) attaquait une détenue dans une prison pour femmes.
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Nous nous accordons sur le fait que les hommes qui s’identifient comme « transgenres » devraient bénéficier de soins et du respect appropriés, tels que l’accès à des hormones et à des articles de soins personnels, comme des vêtements de femmes et du maquillage, mais nous nous opposons fermement à l’idée de placer ces hommes dans une prison pour femmes, ou dans la section des femmes d’une prison mixte.
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En ce qui concerne les fouilles corporelles, les normes internationales et suisses précisent que les fouilles corporelles doivent être effectuées par un membre du personnel du même sexe que la personne détenue. (Code pénal, art. 85. Al. 2). Cependant, le document du Centre de compétence suisse pour l’exécution des sanctions pénales (CSCSP) suggère que les hommes qui prétendent être des femmes devraient pouvoir choisir le sexe du personnel qui effectue la fouille corporelle, en raison de l’ « auto-identification de genre ». Une fois de plus, l’étude ne prend pas en compte le point de vue des femmes. Il est inacceptable qu’un personnel féminin soit obligé de traficoter le corps d’un homme détenu. Lors de l’examen d’un homme s’identifiant comme une femme, il peut être acceptable que la fouille corporelle se fasse en deux étapes : la partie supérieure du corps peut être fouillée par une policière et la partie inférieure par un policier.
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Le document mentionne une recommandation du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), qui stipule que si un homme qui s’identifie comme une femme est incarcéré dans une unité pour hommes, il doit se voir proposer des activités par lesquelles il peut entrer en contact avec des détenus appartenant au sexe auquel il s’identifie, c’est-à-dire des femmes. Femina Helvetica ne pense pas que les hommes qui s’identifient comme femmes aient un besoin particulier de socialiser avec des femmes.
Nous pensons que les institutions internationales, telles que les Nations Unies et la Commission européenne, ainsi que les institutions suisses devraient cesser d’utiliser l’acronyme « LGBTIQ+ », car il ne fait pas référence à un groupe homogène de personnes. Chaque lettre représente un groupe de personnes ayant des intérêts et de besoins spécifiques (lesbiennes, gays, personnes bisexuelles, « transgenres », queer), et ces intérêts sont souvent désalignés.
L’une des justifications souvent invoquées pour transférer des hommes qui s’identifient comme « transgenres » dans des prisons pour femmes est que ces hommes ne seraient pas en sécurité dans les prisons pour hommes. Comme l’écrit l’autrice et journaliste irlandaise Helen Joyce (Joyce, 2021, p.165) : « Mais le sont-ils ? » Elle explique qu’au Royaume-Uni par exemple, « onze agressions sexuelles sur des [hommes qui s’identifient comme femmes] dans des prisons pour hommes ont été signalées en 2019 » (Joyce, 2021, p.165) (il y avait 84'000 hommes détenus au Royaume-Uni en 2019). Elle écrit : « On estime qu’un homme détenu sur cinquante s’identifie comme une femme. (…) La plupart d’entre eux sont détenus dans des prisons pour hommes et ont accès à une cellule individuelle et à de l’intimité dans les douches. (…) Il est difficile à dire à quel point ces [hommes] sont vulnérables dans les prisons pour hommes. (…) Les hommes jeunes, homosexuels ou connus pour avoir abusé des enfants sont également fréquemment pris pour cible. » (Joyce, 2021, p. 165)
Femina Helvetica estime que les institutions suisses devraient développer des stratégies pour protéger les hommes vulnérables dans les prisons pour hommes, y compris les hommes homosexuels, les hommes qui se disent femmes ou les jeunes hommes. Cependant, en aucun cas, des hommes ne devraient être placés dans des prisons pour femmes ou dans les unités pour femmes des prisons mixtes.
Le Commission nationale pour la prévention de la torture (CNPT), dans son analyse de 2024 a écrit que « les besoins des femmes peuvent être très différents de ceux des hommes (…) en raison de leurs caractéristiques sexospécifiques ou de vulnérabilités dues à de possibles violences subies par le passé » (CNPT, 2024, p.4). Comme le dit la féministe britannique Julie Bindel, « la majorité des prisonnières ont subi une forme de violence masculine » (Bindel, 2021, p.68), et « la prison est souvent moins une question de punition que de protection des femmes contres des hommes violents » (Bindel, 2021, p. 70). Ces espaces doivent rester sûrs pour les femmes. Par conséquent, aucun homme ne devrait jamais être autorisé à être placé dans ces espaces.
L’homme qui a été placé dans une prison pour femmes en 2022 à Dielsdorf s’est plaint de se sentir isolé dans la prison pour hommes. Il faut souligner que certaines femmes qui ont la malchance d’avoir été placées dans un établissement mixte peuvent également souffrir d’isolement. La Commission nationale pour la prévention de la torture (CNPT) reconnaît que les femmes détenues rencontrent plus de difficultés et sont plus souvent victimes de discrimination, comparés aux hommes. Elle écrit : « Dans plusieurs établissements mixtes, les femmes détenues sont enfermées dans leur cellule pendant 23 heures, à l’exception de la promenade quotidienne d’une heure ». Et ajoute : « Les activités occupationnelles, si disponibles, sont effectuées en cellules » (CNPT, 2024, p.7). Ceci est le cas dans les prisons de Delémont et de Schaffhouse. Alors que les hommes ont accès à des ateliers et à des postes de travail, les femmes ne peuvent effectuer que des travaux simples dans leur cellule, et souvent les tâches à effectuer sont très stéréotypées(broderie, repassage, pose de faux ongles, etc.).
La Commission nationale pour la prévention de la torture (NCPT) considère que « ces prisons [mixtes] ne sont pas adaptées à la détention de femmes » (NCPT, 2024, p.7). Les établissements réservés aux femmes offrent un plus large éventail d’occupations et d’activités sportives. Si les établissements pénitentiaires suisses doivent améliorer la détention des hommes qui prétendent être des femmes et des hommes homosexuels, ils doivent également créer des structures plus adaptées pour les femmes détenues. Selon l’article 75 du Code pénal suisse, la « dignité humaine des détenus (…) doit être respectée » tout « [en tenant compte des] préoccupations et [des] besoins spécifiques des détenus, selon leur sexe » (Code pénal suisse, art. 75,al. 5) Il est donc impératif de respecter la dignité de la femme en ne plaçant pas d’hommes dans sa prison ou son unité !
Le résultat de la révision de la procédure de changement de sexe, dans le registre de l’état civil en 2022, est que tout homme peut désormais facilement changer ses documents officiels et s’inscrire comme « femme », ceci par une simple déclaration devant l’officier de l’état civil. Femina Helvetica exige qu’aucun homme, quel que soit le sexe indiqué dans ses documents officiels, ne soit placé dans une prison pour femmes ou une unité pour femmes.
Liens vers la documentation à l’appui de cette thématique :
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Le rapport de La Commission nationale pour la prévention de la torture (CNPT) sur les femmes en détention en Suisse (juillet 2024)
https://www.apt.ch/sites/default/files/2024-12/switzerland_-_fr_0.pdf -
Le document intitulé « La prise en charge des personnes LGBTIQ+ en détention », publié par le Centre suissede compétence en matière d’exécution des sanctions pénales (CSPSP) en 2021. https://www.skjv.ch/sites/default/files/documents/Die_Betreuung_von_LGBTIQ_Personen_im_Freiheitsentzug_Grundlagenpapier.pdf
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L’article de la RTS “Les personnes transgenres incarcérées font face à un risque élevé de violence” rédigé par la télévision Suisse romande, RTS, le 3 décembre 2022
https://www.rts.ch/info/suisse/13591395-les-personnes-transgenres-incarcerees-font-face-a-un-risque-eleve-de-violence.html -
L’article de SRF “Trans Frau im Männergefängnis” (Une femme trans dans une prison pour hommes) publié par la télévison suisse-allemande SRF, le 22 novembre 2022
https://www.srf.ch/news/schweiz/lgbtqi-im-gefaengnissen-trans-frau-im-maennergefaengnis -
Le livre de Helen Joyce, “Trans: Gender Identity and the New Battle for Women’s Rights”, paru en 2021
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Le livre de Julie Bindel, “Feminism for Women: The real route to liberation”, paru en janvier 2021
